Suite de Perrin

En mathématiques, la suite de Perrin est une variante de la suite de Padovan, de même relation de récurrence. Cette suite d'entiers est définie par récurrence linéaire par :

P 0 = 3 , P 1 = 0 , P 2 = 2 {\displaystyle P_{0}=3,P_{1}=0,P_{2}=2} et pour tout n 3 , P n = P n 2 + P n 3 {\displaystyle n\geqslant 3,P_{n}=P_{n-2}+P_{n-3}} .

Les 20 premiers termes en sont :

n 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
P n {\displaystyle P_{n}} 3 0 2 3 2 5 5 7 10 12 17 22 29 39 51 68 90 119 158 209

Elle forme la suite A001608 de l'OEIS.

Construction de la suite de Perrin à l'aide de triangles équilatéraux, utilisant la relation P n = P n 1 + P n 5 {\displaystyle P_{n}=P_{n-1}+P_{n-5}} . Le nombre dans chaque triangle désigne la longueur de ses côtés.

Construction géométrique

La suite de Perrin vérifie aussi la relation de récurrence d'ordre 5 : P n = P n 1 + P n 5 {\displaystyle P_{n}=P_{n-1}+P_{n-5}} , pour n 5 {\displaystyle n\geqslant 5} . Cette propriété est à la base de la construction en spirale ci-contre, débutant avec un triangle équilatéral de côté P 2 = 2 {\displaystyle P_{2}=2} , un triangle équilatéral de côté P 3 = 3 {\displaystyle P_{3}=3} tronqué d'un triangle de côté 1, puis un triangle équilatéral de côté P 4 = 2 {\displaystyle P_{4}=2} (comparer avec la construction en triangles de la suite de Padovan).

Formule de type Binet

L'équation caractéristique de la récurrence s'écrit x 3 x 1 = 0 {\displaystyle x^{3}-x-1=0}  ; les solutions en sont le nombre plastique ψ = 1 2 + 69 18 3 + 1 2 69 18 3 1 , 325 {\displaystyle \psi ={\sqrt[{3}]{{\frac {1}{2}}+{\frac {\sqrt {69}}{18}}}}+{\sqrt[{3}]{{\frac {1}{2}}-{\frac {\sqrt {69}}{18}}}}\approx 1,325} et deux nombres complexes conjugués r , r ¯ {\displaystyle r,{\overline {r}}} .

L'expression de P n {\displaystyle P_{n}} en fonction des trois suites de base ( ψ n ) , ( r n ) , ( r ¯ n ) {\displaystyle (\psi ^{n}),(r^{n}),({\overline {r}}^{n})} s'écrit simplement sous la forme

P n = ψ n + r n + r ¯ n {\displaystyle P_{n}=\psi ^{n}+r^{n}+{\overline {r}}^{n}} .

Des relations r + r ¯ = ψ , r r ¯ = 1 / ψ {\displaystyle r+{\overline {r}}=-\psi ,r{\overline {r}}=1/\psi } , on tire r = e i θ ψ {\displaystyle r={\frac {\mathrm {e} ^{\mathrm {i} \theta }}{\sqrt {\psi }}}} θ = arccos ( ψ 3 / 2 ) {\displaystyle \theta =\arccos(-{\sqrt {\psi ^{3}}}/2)} , d'où la formule

P n = ψ n + 2 cos n θ ψ n {\displaystyle P_{n}=\psi ^{n}+{\frac {2\cos n\theta }{\sqrt {\psi ^{n}}}}}

Comme ψ > 1 {\displaystyle \psi >1} , on en déduit que P n ψ n {\displaystyle P_{n}\sim \psi ^{n}} et lim P n + 1 P n = ψ {\displaystyle \lim {\frac {P_{n+1}}{P_{n}}}=\psi } ,

ainsi que P n = ψ n {\displaystyle P_{n}=\left\lfloor \psi ^{n}\right\rceil } x {\displaystyle \left\lfloor x\right\rceil } est l'entier le plus proche de x {\displaystyle x} , à partir de n = 10 {\displaystyle n=10} [1].

Propriétés

  • Relation avec la suite de Padovan, notée ici ( P n ) {\displaystyle (P'_{n})}  : P n = 3 P n 5 + 2 P n 4 {\displaystyle P_{n}=3P'_{n-5}+2P'_{n-4}} .
  • Comme pour la suite de Fibonacci, la suite de Perrin s'obtient par puissance n {\displaystyle n} -ième de la matrice compagnon du polynôme caractéristique :
[ 0 1 0 0 0 1 1 1 0 ] n [ 3 0 2 ] = [ P n P n + 1 P n + 2 ] {\displaystyle {\begin{bmatrix}0&1&0\\0&0&1\\1&1&0\end{bmatrix}}^{n}{\begin{bmatrix}3\\0\\2\end{bmatrix}}={\begin{bmatrix}P_{n}\\P_{n+1}\\P_{n+2}\end{bmatrix}}}

et

P n = ψ n + r n + r ¯ n = Trace ( [ 0 1 0 0 0 1 1 1 0 ] n ) {\displaystyle P_{n}=\psi ^{n}+r^{n}+{\overline {r}}^{n}=\operatorname {Trace} \left({\begin{bmatrix}0&1&0\\0&0&1\\1&1&0\end{bmatrix}}^{n}\right)} .
  • Fonction génératrice :
    n = 0 P n x n = 3 x 2 1 x 2 x 3 {\displaystyle \sum _{n=0}^{\infty }P_{n}\,x^{n}={\frac {3-x^{2}}{1-x^{2}-x^{3}}}}
  • Expression à l'aide de coefficients binomiaux pour n 1 {\displaystyle n\geqslant 1}  :
    P n = n × k = ( n + 2 ) / 3 n / 2 ( k n 2 k ) k {\displaystyle P_{n}=n\times \sum _{k=\lfloor (n+2)/3\rfloor }^{\lfloor n/2\rfloor }{\frac {\binom {k}{n-2k}}{k}}}
Texte de Perrin dans l'intermédiaire des mathématiciens.

Utilisation comme test de primalité

Dans une question posée en 1899 dans l'intermédiaire des mathématiciens[2], François Olivier Raoul Perrin fait référence à une question antérieure demandant si le fait que 2 n 2 {\displaystyle 2^{n}-2} soit divisible par n {\displaystyle n} soit un "criterium" pour que n {\displaystyle n} soit premier (hypothèse chinoise populaire au XIXe siècle). On sait aujourd'hui que le nombre 341 = 11 × 31 {\displaystyle 341=11\times 31} ne passe pas ce test connu aujourd'hui comme "test de primalité de Fermat"[1].

La suite u n = 2 n 2 {\displaystyle u_{n}=2^{n}-2} étant définie par récurrence par u 0 = 1 , u 1 = 0 , u n = 3 u n 1 2 u n 2 {\displaystyle u_{0}=-1,u_{1}=0,u_{n}=3u_{n-1}-2u_{n-2}} , Perrin dit avoir trouvé une autre suite récurrente jouissant de la même propriété, suite portant maintenant son nom. Et en effet :

Si n est un nombre premier alors P n {\displaystyle P_{n}} est divisible par n.

Perrin dit avoir vérifié la réciproque de cette propriété pour de grandes valeurs de n. De fait, le premier contre-exemple n'a été trouvé qu'en 1982 par Adams et Shanks[3] : il s'agit de n {\displaystyle n} = 271 441 : ce nombre divise P 271 441 {\displaystyle P_{271\,441}} mais 271 441 = 5212. Le nombre P 271441 {\displaystyle P_{271441}} a 33 150 chiffres.

Le nombre 271 441 est le plus petit des nombres pseudo-premiers de Perrin, formant la suite  A013998 de l'OEIS. Il a été prouvé en 2010 qu'il y en a une infinité[4].

Les nombres de la suite de Perrin qui sont premiers forment la suite A074788 de l'OEIS, et leurs indices la suite OEIS A112881.

Démonstration du théorème de divisibilité

Les congruences s'entendant modulo un nombre premier p {\displaystyle p} , la propriété P p 0 {\displaystyle P_{p}\equiv 0} est une conséquence de la propriété : Trace ( A p ) Trace ( A ) = 0 {\displaystyle \operatorname {Trace} (A^{p})\equiv \operatorname {Trace} (A)=0} valable pour toute matrice à coefficients entiers[5], utilisée ici avec la matrice A = [ 0 1 0 0 0 1 1 1 0 ] {\displaystyle A={\begin{bmatrix}0&1&0\\0&0&1\\1&1&0\end{bmatrix}}} .

Une démonstration possible, similaire à celle du petit théorème de Fermat consistant à écrire  : a p = ( 1 + 1 + + 1 ) p 1 + 1 + + 1 = a {\displaystyle a^{p}=(1+1+\cdots +1)^{p}\equiv 1+1+\cdots +1=a} , car, d'après le théorème de Lucas, ( p k ) 0 {\displaystyle {\binom {p}{k}}\equiv 0} pour 1 k p 1 {\displaystyle 1\leqslant k\leqslant p-1} , est la suivante.

On va démontrer que P p = ψ p + r p + r ¯ p ( ψ + r + r ¯ ) p {\displaystyle P_{p}=\psi ^{p}+r^{p}+{\overline {r}}^{p}\equiv (\psi +r+{\overline {r}})^{p}} , ce qui prouvera P p 0 {\displaystyle P_{p}\equiv 0} , car ψ + r + r ¯ = 0 {\displaystyle \psi +r+{\overline {r}}=0} .

D'après la formule du trinôme, ( ψ + r + r ¯ ) p = i + j + k = p ( p i , j , k ) ψ i r j r ¯ k {\displaystyle (\psi +r+{\overline {r}})^{p}=\sum _{i+j+k=p}{\binom {p}{i,j,k}}\psi ^{i}r^{j}{\overline {r}}^{k}} , et l'on a ( p i , j , k ) = p ! i ! j ! k ! 0 {\displaystyle {\binom {p}{i,j,k}}={\frac {p!}{i!j!k!}}\equiv 0} pour i , j , k p 1 {\displaystyle i,j,k\leqslant p-1} .

Les nombres ψ , r , r ¯ {\displaystyle \psi ,r,{\overline {r}}} n'étant pas entiers, on va utiliser les relations coefficients racines :

σ 1 = ψ + r + γ = 0 σ 2 = ψ r + r r ¯ + r ¯ ψ = 1 σ 3 = ψ r r ¯ = 1. {\displaystyle {\begin{alignedat}{3}\sigma _{1}&=\psi +r+\gamma &&=0\\\sigma _{2}&=\psi r+r{\overline {r}}+{\overline {r}}\psi &&=-1\\\sigma _{3}&=\psi r{\overline {r}}&&=1.\end{alignedat}}}

On peut alors écrire :

( ψ + r + r ¯ ) n ( ψ n + r n + r ¯ n ) = i j k p 1 i + j + k = p ( p i , j , k ) π ( i , j , k ) ψ i r j r ¯ k . {\displaystyle (\psi +r+{\overline {r}})^{n}-(\psi ^{n}+r^{n}+{\overline {r}}^{n})=\sum _{i\leqslant j\leqslant k\leqslant p-1 \atop i+j+k=p}{\binom {p}{i,j,k}}\sum _{\pi (i,j,k)}\psi ^{i}r^{j}{\overline {r}}^{k}.}

La dernière somme s'entendant pour toutes les permutations de ( i , j , k ) {\displaystyle (i,j,k)} , elle est symétrique et s'exprime comme fonction polynomiale avec des coefficients entiers de σ 1 , σ 2 , σ 3 {\displaystyle \sigma _{1},\sigma _{2},\sigma _{3}} et est donc égale à un nombre entier. Le résultat attendu s'en déduit.

Interprétation combinatoire

Inspiré par la distanciation physique imposée par l'épidémie de covid, Vincent Vatter s'est posé la question du nombre de façons de placer des convives autour d'une table comportant n chaises de sorte que deux convives aient au moins une chaise libre entre eux et qu'on ne puisse plus ajouter de convive sans violer cette condition (donc pas plus de deux chaises libres entre deux convives). Par exemple, pour n = 6 {\displaystyle n=6} , il y a cinq solutions, trois avec deux convives séparés par deux chaises et deux avec trois convives séparés par une chaise.

Il a montré que le nombre de solutions pour n 2 {\displaystyle n\geqslant 2} est égal au nombre de Perrin P n {\displaystyle P_{n}} [6].

Démonstration


Considérons un convive d'une disposition à n {\displaystyle n} chaises. Soit ce convive a une seule chaise libre à sa droite et le nombre de dispositions valables est le nombre de dispositions à n 2 {\displaystyle n-2} chaises (enlever mentalement la chaise du convive et la chaise libre), soit il a 2 chaises libres à sa droite et le nombre de dispositions valables est le nombre de dispositions à n 3 {\displaystyle n-3} chaises. Les initialisations étant identiques, on obtient le résultat.

Cette interprétation combinatoire permet de retrouver la propriété de divisibilité ci-dessus (démonstration similaire à celle du petit théorème de Fermat par double dénombrement).

Démonstration

Supposons en effet qu'une rotation d'angle 2 k π / p {\displaystyle 2k\pi /p} donne la même disposition qu'une disposition donnée à p {\displaystyle p} chaises (avec 0 < k < p {\displaystyle 0<k<p} et p {\displaystyle p} premier). Alors, d'après le théorème de Bézout, il existe deux entiers >0 u , v {\displaystyle u,v} tels que k u p v = 1 {\displaystyle ku-pv=1} , donc u × 2 k π / p = 2 π / p + 2 v π {\displaystyle u\times 2k\pi /p=2\pi /p+2v\pi } . La rotation d'angle 2 π / p {\displaystyle 2\pi /p} donne donc la même disposition que celle de départ, ce qui fait que deux convives sont côte à côte, ce qui est absurde.

Dès qu'une disposition conforme à p {\displaystyle p} chaises existe, les p {\displaystyle p} rotations d'angle 2 π / p {\displaystyle 2\pi /p} successives de cette disposition sont bien distinctes, donc P p {\displaystyle P_{p}} est multiple de p {\displaystyle p} .

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Perrin number » (voir la liste des auteurs).
  1. a et b J. P. Delahaye, « Des nombres premiers aux pseudo-premiers », Pour la Science, no 558,‎ , p. 80-85 (lire en ligne Accès payant)
  2. R. Perrin, « Question 1484 », L'Intermédiaire des mathématiciens, vol. 6,‎ , p. 76 (lire en ligne)
  3. (en) William Adams et Daniel Shanks, « Strong primality tests that are not sufficient », Math. Comput., vol. 39, no 159,‎ , p. 255-300 (DOI 10.2307/2007637, JSTOR 2007637, lire en ligne)
  4. (en) Jon Grantham, « There are infinitely many Perrin pseudoprimes », J. Number Theory, vol. 130, no 5,‎ , p. 1117-1128 (DOI 10.1016/j.jnt.2009.11.008, lire en ligne).
  5. Francinou, Gianella, Nicolas, Oraux X-Ens, Algèbre 1, Cassini, , exercice 7.14
  6. (en) Vincent Vatter, « Social Distancing, Primes, and Perrin Numbers », Math horizons, vol. 29, no 1,‎ , p. 5-7 (lire en ligne Accès libre)

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

  • Lionel Fourquaux, « Construction de nombres pseudo-premiers de Perrin », sur normalesup.org,
  • (en) Eric W. Weisstein, « Perrin Sequence », sur MathWorld
  • (en) Eric W. Weisstein, « Perrin Pseudoprime », sur MathWorld
  • (es) Suite et fichiers avec suite (en espagnol)
v · m
Donnés par une formule
combinatoire
polynomiale
exponentielle
Mathématiques
Appartenant à une suite
Ayant une propriété remarquable
Ayant une propriété dépendant de la base
Propriétés mettant en jeu plusieurs nombres
singleton
n-uplet
suite
Classement par taille
Généralisations (entier quadratique)
Nombre composé
Nombre connexe
Test de primalité
Conjectures et théorèmes de théorie des nombres
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