Sénat de Savoie

Sénat de Savoie
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Actuel Palais de justice à Chambéry qui fut occupé autrefois par le Sénat de Savoie.
Situation
Création
Dissolution
Type Cour souveraine
Domaine Justice d'appel
Langue français
Organisation
Précédent Parlement de Savoie Cour d'appel de Chambéry Suivant
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Le Sénat de Savoie est une institution judiciaire dotée de privilèges dans l'administration du duché de Savoie et siégeant à Chambéry. Il a été créée par le duc de Savoie Emmanuel-Philibert à travers un édit du . Son existence prend fin avec l'annexion de la Savoie à la France, en 1860.

L'édit de 1559 établit une Cour souveraine sous le nom de Sénat de Savoie. La confusion entre l'expression de Cour souveraine et de la souveraineté a probablement permis une évolution vers l'usage de Souverain Sénat de Savoie.

Création

Masse et baguettes d'argent utilisées par les membres du Sénat de Savoie.

Jusqu'au XVIe siècle, la justice sur les terres de la Maison de Savoie, en deçà des Alpes, est rendue par un Conseil suprême (conseil comtal) composé d'ecclésiastiques, de barons et de jurisconsultes. Ce dernier prend le titre de Conseil souverain sous le règne du comte Aymon de Savoie. Après l'invasion de la Savoie par la France en 1536, François Ier de France institue un parlement de Savoie, installé au château de Chambéry et une politique « modéré(e) et respectueu(se) des droits et usages des populations », bien qu'il y ait eu aussi des abus[1]. Les attributions du parlement sont de dépouiller les sacs à procès, mais qui en réalité « allaient d'ailleurs plus loin encore ; par la voie juridique, il arrivait à se mêler de tout » (Ménabréa)[1].

En 1559, à la suite des traités du Cateau-Cambrésis, Emmanuel-Philibert rentre dans ses terres savoyardes. Il institue une Cour souveraine dite Sénat de Savoie, à Chambéry, à la suite de l'édit du [2],[3]. Cette nouvelle institution est confirmée par un second édit du , signé à Nice[2], qui va perdurer jusqu'à l'annexion française du duché de Savoie par la France, de 1792 à 1814[4].

Le Sénat de Savoie est installé dans le couvent des Dominicains[5]. Le bâtiment qui abrite l'actuel Palais de Justice est édifié pour accueillir l'institution et son organisation. Ce dernier est encore en travaux lors de l'Annexion du duché, en 1860. Le bâtiment accueille finalement la Cour d'appel, dont la création se substitue au Sénat de Savoie, résultat d'une négociation lors du traité de l'Annexion.

L'historien Robert Avezou résume ainsi son fonctionnement : « Ce corps de magistrats qui, pendant plus de deux siècles, incarna vraiment l'esprit de la vieille Savoie traditionaliste, travailleuse et raisonnable, fut un auxiliaire zélé (du duc) dans sa défense de l'État contre la propagande huguenote »[6].

Organisation et composition

Les Sénateurs sont choisis parmi les meilleurs juristes du duché. La nomination au Sénat était anoblissante.

La composition du Sénat était, selon l'édit du , la suivante[7] :

  • un Président,
  • six sénateurs,
  • un Avocat et Procureur général de S. A.,
  • deux greffiers et secrétaires, l'un dédié au civil et l'autre au criminel.

L'organisation interne de cette institution fut initiée par l'État français dans un premier temps, sous la conduite du juriste Celse Morin, puis reprise et améliorée par des décisions des Ducs de Savoie. La délimitation des pouvoirs du Sénat de Savoie n'étant pas tranchée de façon rigoureuse, une grande liberté fut offerte aux sénateurs pour leur organisation interne. La création de cette cour de justice (qui décidait en dernier ressort), dotée d'un rôle politique, est un outil de centralisation du pouvoir en Savoie (cf. le rôle double du Conseil d'État).

Le Sénat de Savoie ayant acquis une souveraineté de par le Duc de Savoie, le premier président (nommé par le Prince parmi les sénateurs en poste) gouvernait le duché en l'absence du représentant du Prince.

Lors de chaque session un cérémonial impressionnant et très précis fut décidé pour les apparitions en public, apportant au passage un grand prestige au Sénat et à ceux qui le composent.

Premiers présidents du Sénat de Savoie

le président du Sénat de Savoie Antoine Favre.

Le plus célèbre des Premiers présidents reste le Président Antoine Favre qui entre au Sénat en 1587 et qui en devient le président en 1608[8].

Liste des premiers présidents du Sénat de Savoie[9]
  • 15 août 1559 : Catherin Pobel, ancien président du Conseil de Genevois (1551-1559)[10] ;
  • 22 novembre 1571 : Louis Milliet ;
  • 15 décembre 1580 : René de Lyobard du Châtelard ;
  • 15 août 1585 : Charles Veillet ;
  • 3 mars 1587 : Sébastien de Solere[11];
  • 1er février 1598 : Charles de Rochette ;
  • 1599 : Guillaume d'Oncieu ;
1600 — 1601, 2e occupation française du duché de Savoie (guerre franco-savoyarde)
    • octobre 1600 : Claude Lambert Marie de Portier, maître des requêtes ;
  • 20 juin 1610 : Antoine Favre ;
  • 10 avril 1624 : Hector Milliet de Challes ;
1630 — 1631, 3e occupation française
1690 — 1696, 3e occupation française
1703 — 1713, 5e occupation française
    • 14 janvier 1704 : Antoine Guérin de Tencin ;
    • 26 octobre 1705 : François Guérin de Tencin ;
  • 16 août 1713 : Antoine Gaud ;
  • 15 septembre 1726 : Louis-Ignace Saint-Georges de Foglis ;
  • 23 novembre 1739 : Horace-Victor Sclandi Spada ;
1742 — 1749, occupation espagnole
  • 23 avril 1749 : Claude Astesan ;
  • 9 octobre 1764 : Jacques Salteur. Seconds présidents : François-Xavier Maistre et Denis d'Arenthon d'Alex
  • 1789 : Paul-Joseph Biord (1718-1794) ;
  • 9 juillet 1790 : César Lovera di Maria ;
1792 — 1815, 1re annexion du duché de Savoie
    • 20 novembre 1792 : Joseph Curial ;
    • 30 août 1814 : Louis-Aimé Gattinara di Zubiena ;
    • 5 mars 1816 : Vincent-Maria Busca della Rocchetta ;
  • 31 décembre 1822 : Lazare Calvi ;
  • 22 avril 1825 : Gaspard Michel Gloria ;
  • 23 juillet 1831 : Joseph Pettiti ;
  • 24 décembre 1833 : François-Joseph-Marguerite de Buttet de Tresservev
  • 20 juillet 1844 — 1848 : Jean-Baptiste Grillo ;
 

Compétences

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Compétence judiciaire

Le Sénat de Savoie est chargé de rendre la justice au nom du Duc de Savoie. Dans un premier temps, il fut essentiellement chargé du rôle de chambre d'appel des décisions du premier degré. Outre ce rôle de Juge de second degré, il fut également juge de cassation, en dernier ressort en matière criminelle, pouvant aller jusqu'à l’application de la peine capitale. Il fournissait une aide juridictionnelle gratuite aux plus miséreux dans le cadre de la réhabilitation de l’ancien Bureau des pauvres créé à l'origine par Amédée VIII.

Compétence administrative

En matière administrative, il prend part à la réglementation de la sécurité générale, du respect des bonnes mœurs et de la police urbaine.

Compétence ecclésiastique

Il assuma un rôle de promulgation de décrets dans le cadre de ses relations avec le Saint-Siège de l’Église catholique romaine, afin de pallier l'ignorance de la hiérarchie ecclésiastique régionale.

Compétence législative

Par le biais de ses décisions prises dans le cadre de ses compétences initiales, très vite le Sénat de Savoie devint, dans les faits, une véritable chambre législative et constituante. La supériorité de ses décisions reconnue par l'ensemble des corps de métiers en rapport avec la justice, à savoir les huissiers, les avocats et les notaires, le Sénat apporta une jurisprudence civile abondante et cohérente, plus basée sur l'équité que l'application pure du droit décidée par les Ducs de Savoie surtout.

Rôle diplomatique

Le Sénat de Savoie peut exercer un rôle de remontrance[13]. Cette institution bénéficie d'une importante confiance auprès du pouvoir central, dont il est un des conseillers les plus écoutés et régulièrement consulté. Vivier de hauts fonctionnaires, les sénateurs remplissent, lorsque les circonstances l'exigent, des missions diplomatiques de tout ordre. Il est appelé à faire des propositions de lois afin d’infléchir la politique menée à Turin devenue au lendemain de l'occupation française du XVIe siècle, la nouvelle capitale des États de Savoie au détriment de Chambéry.

Cour d’appel

Par les aléas de l'histoire, le Sénat de Savoie est parfois malmené, devenant au besoin défenseur des intérêts locaux lors d'occupations étrangères, puis d'autres fois contesté et même supprimé comme durant les années 1792-1793. Réapparu sous la restauration, l’antique Sénat de Savoie est transformé par l'édit de 1848 en une simple cour d’appel, qui est maintenue par l’État français en 1860, après l'annexion de la Savoie par le traité de Turin, devenant la cour d'appel de Chambéry[14].

Notes et références

  1. a et b Henri Ménabréa, Histoire de la Savoie, Montmélian, Éd. Bernard Grasset (1933), puis La Fontaine de Siloé (2009), (réimpr. 1958, 2009) (1re éd. 1933), 676 p. (ISBN 978-2-84206-428-0, lire en ligne), p. 116-118.
  2. a et b Chevailler, 1953, p. 11.
  3. Hervé Laly, Crime et Justice en Savoie, 1559-1750. L'élaboration du pacte social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , p. 59.
  4. Jules-Joseph Vernier, Étude historique et géographique sur la Savoie, Paris, Le Livre d'Histoire - Res Universis (réimpr. 1993) (1re éd. 1896), 137 p. (ISBN 978-2-7428-0039-1 et 2-7428-0039-5, ISSN 0993-7129), p. 64.
  5. L'édifice détruit a été remplacé par les halles de Chambéry.
  6. Robert Avezou, Histoire de la Savoie, PUF, coll. « Que sais-je ? » (réimpr. 1948, 1963) (1re éd. 1944) (ISSN 0768-0066), p. 72.
  7. Chevailler, 1953, p. 15.
  8. François Mugnier, Antoine Favre. Président de Genevois. Premier Président du Sénat de Savoie, Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, coll. « Mémoires et documents ».
  9. Burnier, 1864-1865.
  10. Laurent Perrillat, L'apanage de Genevois aux XVIe et XVIIe siècles : pouvoirs, institutions, société (tome II), vol. 113, t. 2, Académie salésienne, , 1070 p. (lire en ligne), p. 910.
  11. (it) Carlo Novellis, Biografia di illustri saviglianesi, (lire en ligne), p.81.
  12. Michèle Brocard (ill. Edmond Brocard), Les châteaux de Savoie, Yens-sur-Morges, Éditions Cabédita, coll. « Sites et Villages », , 328 p. (ISBN 978-2-88295-142-7), p. 171-173.
  13. Informations issues du site sabaudia.org.
  14. Paul Guichonnet, Nouvelle encyclopédie de la Haute-Savoie : Hier et aujourd'hui, Montmélian, La Fontaine de Siloé, , 399 p. (ISBN 978-2-84206-374-0, lire en ligne), p. 20.

Voir aussi

Bibliographie

  • Henri Arminjon, De la Noblesse des sénateurs au souverain Sénat de Savoie et des maîtres-auditeurs à la Chambre des comptes, Charbonnière-les-Bains, Gardet, coll. « Documents (vol. X) de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie », , 206 p. (lire en ligne sur Gallica)
  • Françoise Briegel, Sylvain Milbach, Sylvie Claus, Alain Becchia, Hervé Laly, Frédéric Meyer, Bruno Berthier, Le Sénat de Savoie : archives, historiographies, perspectives (XVIe – XIXe siècles), Université de Savoie, , 252 p. (ISBN 978-2-91973-226-5)
  • Eugène Burnier (1831-1870), Histoire du Sénat de Savoie et des autres compagnies judiciaires de la même province, 1329-1844, vol. 2, Chambéry, Puthod, 1864-1865 (lire en ligne sur Gallica) (Vol.I, 1864, 712 pages)
  • Anne Buttin, Le souverain Sénat de Savoie, Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, coll. « L'histoire en Savoie » (no 69), , 32 p. (ISSN 0046-7510).
  • Laurent Chevallier, Essai sur le souverain Sénat de Savoie 1559-1793, Paris, Gardet, , 172 p. (lire en ligne [PDF])
    thèse de doctorat, Droit
  • Hervé Laly, Crime et Justice en Savoie, 1559-1750. L'élaboration du pacte social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
  • Jean-Amédée Lathoud, « L'Avocat des pauvres en Savoie (1430-1860) : une magistrature charitable ou un service public novateur ? », Histoire de la justice, vol. 1, no 28,‎ (ISBN 978-2-11145-392-0)
  • Laurent Perrillat, Corinne Townley, Dictionnaire des magistrats du Sénat et de la Chambre des comptes de Savoie (1559-1848), Chambéry, Union des sociétés savantes de Savoie, , 535 p. (ISBN 978-2-95632-410-2)

Fonds

Articles connexes

Liens externes

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