Problème des moments

En analyse mathématique, le problème des moments est un problème inverse consistant à reconstruire une mesure réelle sur un intervalle donné à partir de ses moments. Plus concrètement, étant donnés un intervalle réel I et une suite (mn) de réels, on peut se demander s'il existe sur I une mesure de Borel (donc positive) μ telle que pour tout entier naturel n,

m n = x n   d μ ( x ) {\displaystyle m_{n}=\int x^{n}~\mathrm {d} \mu (x)}

et, le cas échéant, si une telle mesure est unique. Si cette mesure existe, elle représente alors la loi de probabilité d’une variable aléatoire réelle dont les moments sont les nombres mn.

On peut noter plusieurs variantes du « problème des moments » selon la forme de l’intervalle :

  • de Hamburger si l'intervalle I est R {\displaystyle \mathbb {R} } tout entier ;
  • de Stieltjes s'il est égal à [ 0 , + [ {\displaystyle [0,+\infty [}  ;
  • de Hausdorff si I est un segment [a,b].

Existence

L'existence d'une mesure de Borel μ sur R {\displaystyle \mathbb {R} } répondant au problème équivaut à la condition de positivité suivante sur la suite (mn) : les matrices de Hankel Hn associées à cette suite, définies par

( H n ) i , j = m i + j {\displaystyle (H_{n})_{i,j}=m_{i+j}} ,

doivent être toutes positives.

Pour l'existence d'une mesure de Borel à support dans un segment donné [a,b], il existe une condition nécessaire et suffisante de forme similaire.

Ébauche de démonstration
φ ( k a k x k ) = k a k m k . {\displaystyle \varphi \left(\sum _{k}a_{k}x^{k}\right)=\sum _{k}a_{k}m_{k}.}
  • Si les mn sont les moments d'une mesure de Borel μ sur [a,b] alors
( 1 ) φ ( P ) 0 {\displaystyle (1)\qquad \varphi (P)\geq 0} pour tout polynôme P positif sur [a,b].

Réciproquement, si cette condition est vérifiée alors, d'après le théorème de prolongement de M. Riesz, φ s'étend en une forme linéaire positive sur l'espace de fonctions continues C([a,b]).

  • D'après le théorème de représentation de Riesz, l'existence d'un tel prolongement positif pour φ équivaut à l'existence d'une mesure μ telle que pour tout polynôme P,
φ ( P ) = P   d μ . {\displaystyle \varphi (P)=\int P~\mathrm {d} \mu .}
  • Ainsi, la condition (1) est nécessaire et suffisante pour qu'il existe une mesure sur [a,b] de moments mn. En utilisant un théorème de représentation des polynômes positifs sur [a,b], la condition (1) peut se reformuler en une condition sur les matrices de Hankel.

Pour plus de détails, voir Shohat et Tamarkin 1943, Akhiezer 1965 et Krein et Nudelman 1977.

Unicité

  • L'unicité de μ pour le problème des moments de Hausdorff se déduit du théorème d'approximation de Weierstrass.
  • Le problème de l'unicité quand l'intervalle est non borné est une question plus délicate ; voir les articles « Condition de Carleman (en) », « Condition de Krein (en) » et la référence Akhiezer 1965.
  • La réponse est négative dans le cas général. Voici un contre-exemple probabiliste donné par William Feller. On considère la fonction f : ] 0 , + [ R + {\displaystyle f:\left]0,+\infty \right[\to \mathbb {R} ^{+}} définie par f ( x ) = 1 x 2 π e 1 2 ( ln x ) 2 {\displaystyle f(x)={\frac {1}{x\,{\sqrt {2\pi }}}}\,\mathrm {e} ^{-{\frac {1}{2}}\,(\ln x)^{2}}} (densité de la loi log-normale de paramètres 0 et 1), dont tous les moments existent. On démontre que cette loi n'est pas déterminée par ses moments.
Démonstration

On démontre (par changement de variable) que pour tout entier naturel n, 0 + x n f ( x ) sin ( 2 π ln x ) d x = 0 {\displaystyle \int _{0}^{+\infty }x^{n}f(x)\sin(2\pi \ln x)\,\mathrm {d} x=0} .

Pour tout α R {\displaystyle \alpha \in \mathbb {R} } , on définit g α : ] 0 , + [ R {\displaystyle g_{\alpha }:\left]0,+\infty \right[\to \mathbb {R} } par g α ( x ) = f ( x ) [ 1 + α sin ( 2 π ln x ) ] {\displaystyle g_{\alpha }(x)=f(x)\,\left[1+\alpha \sin(2\pi \ln x)\right]} .

Alors : quels que soient α R {\displaystyle \alpha \in \mathbb {R} } et n N {\displaystyle n\in \mathbb {N} } , m n ( g α ) = m n ( f ) {\displaystyle m_{n}(g_{\alpha })=m_{n}(f)} , bien que g α f {\displaystyle g_{\alpha }\neq f} dès que α 0 {\displaystyle \alpha \neq 0} .

Or si l'on prend α [ 1 , 1 ] {\displaystyle \alpha \in \left[-1,1\right]} , g α {\displaystyle g_{\alpha }} est à valeurs positives donc (puisque m 0 ( g α ) = m 0 ( f ) = 1 {\displaystyle m_{0}(g_{\alpha })=m_{0}(f)=1} ) c'est une densité de probabilité.

Notes et références

  • Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Moment (mathématiques) » (voir la liste des auteurs).
  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Moment problem » (voir la liste des auteurs).
  • (en) James Alexander Shohat et Jacob Tamarkin, The Problem of Moments, New York, AMS,
  • (en) Naum Akhiezer (trad. du russe par N. Kemmer), The Classical Moment Problem and Some Related Questions in Analysis, New York, Hafner Publishing,
  • (en) M. G. Krein et A. A. Nudelman (trad. du russe par D. Louvish), The Markov moment problem and extremal problems. Ideas and problems of P. L. Chebyshev and A. A. Markov and their further development, Providence (RI), AMS, coll. « Translations of Mathematical Monographs » (no 50),

Voir aussi

Article connexe

Théorème de Bernstein sur les fonctions totalement monotones

Lien externe

(en) Eric W. Weisstein, « Moment Problem », sur MathWorld

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